Joris Ivens, du rêveur solitaire au filmeur solidaire – article paru dans la version papier (n°8, septembre 2019) de la revue Ballast
Le cinéaste Joris Ivens, si bien surnommé le « Hollandais volant », a traversé les mers, accosté de multiples côtes et exploré leurs terres intérieures, avec le ferme désir de saisir, caméra en main, les gestes des peuples écrivant leur histoire. Pendant plus d’un demi-siècle, des années 20 au crépuscule des années 80, ce documentariste s’est donné pour mission de chroniquer les luttes menées par des êtres désireux de faire tomber leur maître – mineurs belges en grève et combattants républicains espagnols, indépendantistes indonésiens ou paysans Viêt-Cong – et de poser sur pellicule des fragments de vécus que nul autre cadreur n’aurait pu obtenir. Car la démarche d’Ivens l’engageait sur des fronts où personne, ou presque, n’emportait son appareil pour y faire des images – du moins pas avec ce temps d’immersion et son effort d’adaptation. Ainsi, ce filmeur désireux de déchirer le voile opaque des conflits sans visages était-il autant solidaire des hommes et des femmes dont il enregistrait les gestes et les paroles que solitaire dans sa pratique.
Mais si ses méthodes de réalisation on ne peut plus marginales déposaient sur des pellicules vierges sa couleur politique – un rouge très écarlate – elles servirent également de cadre à des rêveries poétiques aussi nombreuses que fascinantes, centrées sur des villes (A Valparaiso), des fleuves (La Seine a rencontré Paris), et des forces naturelles (le vent, du Mistral à Une Histoire de vent). Du poète solitaire au filmeur militant, Joris Ivens a donc adopté deux postures dont l’apparente contradiction formait les deux volets complémentaires d’un projet de vie mûri, porté et accompli de bout en bout, et dont la clé de voûte était, sans aucun doute, son vœu de liberté. Ainsi, que cet esthète solidaire ait produit seul ou en groupe, qu’il ait cadré des perles de pluie ou des gouttes de sang, son œuvre, largement portée par son travail de diffusion, aura toujours été tendue vers un projet dont la finalité est restée, et ce quel que fut son prisme – les conflits sans témoin ou les souffles de l’air –, la quête d’un invisible. […]
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Medvedkine, ou les ouvriers-cinéastes – article paru en 2018 sur la version en ligne de la revue Ballast
